Au calendrier du trophée cette année il y a cette épreuve atypique : les Remparts d’Angoulême. Atypique pour deux raisons : son tracé en ville, à rouler proche des murs et des trottoirs, et son format : aucun essais privés, la qualif et la course dans la même journée, avec un plateau composé uniquement de Coupe de l’Avenir.
Préparation mécanique
La préparation mécanique se fait pendant l’été. La voiture ayant correctement fonctionné à Croix en Ternois fin juin ne me dispense pas des contrôles et vérifications et on trouvera :
- roulement arrière gauche à changer
- deux rotules à changer + contrôle géométrie
- plaquettes avant usées de travers conduit à la refection des étriers avant
- disques avant voilés changés
- la voiture retrouve des pneumatiques diagonaux chez Hoosier
- peinture neuve du capot avant
La journée de roulage à Fontenay le Comte début septembre tourne court à cause des pneus neufs Hoosier défaillants. On valide quand même tout le reste en faisant 3 tours avec les pneus pluie.
Commande express de nouveaux pneus, et on est bon.
Arrivée et installation à Angoulême

Installer un paddock en plein centre-ville est toute une aventure. Les m2 sont chers et l’assistance est des plus légères. L’essentiel tient dans 2 caisses à outils, le reste est dans le camion garé à quelques kilomètres. Vu le format on aura peu de temps pour réparer.
L’installation samedi après midi permet d’échanger avec le public venu nombreux. On a de quoi s’occuper la voiture ayant pris l’eau sur la route, un bon nettoyage – séchage et re-réglage des carburateurs.

Le contrôle technique est passé sans soucis et j’ai le temps le temps de faire le tour du circuit à pied avant le briefing pour repérer les plaques d’égouts.





Débat lors du briefing sur la procédure de départ. Elle est prévu en départ arrêté, certains la préfèrent en départ lancé pour moins forcer sur la mécanique… finalement la direction de course tranche pour un départ arrêté. Tant mieux il y aura moins de vitesse dans le premier virage.
Après le briefing apéro et repas dans un bar. Couché à 22H sous l’orage alors qu’on entend encore le staff monter les rails….
Dimanche matin
Dimanche matin ce sont les qualifications sous un temps castrophique. Il pleut beaucoup, on est mal abrités sous les barnums, les pieds dans l’eau et la boue du paddock qui coule sous la voiture. Aurélie s’occupe de moi, Thomas et Chris s’occupent de la voiture. On réunit tout le monde et au moment de partir on pré-grille on mise le sérieux de la préparation et la rigueur de l’execution pour faire face au dossier.

Il y a beaucoup de choses à faire dans cette séance qualificative, et le niveau de risque est au maximum : je ne connais pas le tracé, il n’y a aucun dégagement, pas de pit lane, il pleut, et il y a 20 voitures en piste, certains pilotes que je ne connais pas. Et celui qui sera en pole aura un avantage certain pour la course.

Sortie de pré-grille en 3è position, l’averse s’arrête. dès les premiers mètres j’entend tac-tac-tac dans le train arrière; le cerveau fait le rapprochement avec le roulement changé et les boulons qui doivent être un poil trop long avec ces roues. Quitte ou double : pas de pit lane, tout arrêt est définitif. Alors je continue et à la fin du tour de reconnaissance les boulons sont limés comme il faut. Ajustement de la répartition de freins et gaz !
J’arrive à placer un premier tour rapide en ⏱️ 1’06 puis une voiture dans les rails déclenche un drapeau jaune. La piste s’améliore, le trafic est constant: pas un tour sans doubler des voitures. A la caméra on comptera 53 dépassements sur la séance pour 17 voitures en piste. Les commissaires sont exemplaires sur la gestion des drapeaux bleus. La voiture accidentée est laissée sur place, la direction de course ne souhaitant visiblement pas mettre de drapeau rouge pour la dégager.
En plus de l’eau, des rails – murs – trottoirs, un concurrent malheureux déverse de l’huile sur la piste après une casse moteur…. quand je vous disais qu’il y avait des choses à faire dans cette séance.
En fin de séance les repères sont placés, et j’arrive à enchaîner 2 tours en ⏱️ 1’02 avec un lâcher de gaz prononcé dans le passage sous jaune sans être trop gêné par les dépassements. Je sais que les tours ne sont pas parfaits. Je sais aussi que pour venir me chercher il faudra en faire beaucoup, parce que je ressens que « ça marche ».
Au damier je vois les félicitations des commissaires et du public, confirmé par le grand sourire de Thomas en rentrant dans les paddock. Pole en ⏱️1’02.7, avec plus de 2 sec d’avance sur mes poursuivants.

Contrôle et nettoyage de la voiture. Les boulons de roues ont le droit un coup de disqueuse. Je suis sur une autre planète.
Course dimanche après midi
Nous retrouvons une belle météo pour l’après midi. Il y a du public dans les tribunes et dans les paddock. Cette proximité crée des échanges, et ces échanges sont galvanisants. J’ai de nombreux compliments sur ma performance lors des qualifs en particulier pour l’engagement en piste.
La voiture est présentée en pré grille sur une piste presque sèche.


Tour de mise en grille dont je donne le rythme, pas de pace-car devant. Je prends le temps de chauffer les freins et ces pneus qui ne sont pas rodés. J’arrête la voiture sur la première place la grille. Il y a des spectateurs à quelques mètres. Je suis dans ma bulle en état d’hyper conscience. J’observe le starter, baissé de drapeau, lâcher d’embrayage, bon envol avec peu de patinage. Je passe la 2, puis la 3. Je ferme la porte au premier virage. Dans la descente je rate un rapport me rendant vulnérable. Freinage tard au marronnier, le train avant sature, je laisse rouler la voiture, sortie du virage toujours en tête. Au dernier virage une grosse louche de gaz en glisse, le moteur monte jusqu’à 8500 tours.

S’en suit 20 tours à tombeau ouvert. Les rails, les murs n’exilent pas. La voiture frôle les trottoirs et pivote facilement, les reprises sont franches et le moteur est volontaire dans les régimes. Oh oui que « ça marche ». Je fais « un » avec la machine dans cet état mental élevé où tout va à la fois très vite mais aussi très lentement. Je trouve mon rythme en ⏱️0’55 – ⏱️0’56. C’est un gros rythme laissant peut de chances aux poursuivants.
Tour de décélération sous le félicitations des commissaires et du public, puis podium


Les 20 tours bouclés en 19 minutes et 02 secondes, soit 47 secondes de moins que lors de la précédente édition (2016 remportée par Eric LECERF en 19’49). Meilleur tour en 0’55.7. Je découvre les écarts à l’arrivée qui sont significatifs. Soulagement et joie d’avoir: confirmé la pôle position, confirmé la forme et la performance.
Une histoire de contraste
Après cette épreuve il a fallu redescendre du nuage et comprendre ce qui en fait sa spécificité. Le niveau de performance affiché n’est pas une découverte. On sait que la voiture marche bien, on sait que le moteur marche bien, on sait que le chassis est bien réglé. Les tours 1’55 au Bugatti, 1’36 à Lédenon, (…) les résultats passés en attestent. Ce sont des faits, et à la fin de l’épreuve si on regarde bien, « on a juste fait comme d’habitude ».
Ce qui est très différent lors de cette épreuve est l’effet miroir et le feedback du public et des autres concurrents qui est très fort. J’ai reçu des félicitations et compliments comme jamais auparavant.
J’attribue ce décalage au contraste inhabituel que permet cette épreuve :
- Un format court sur une journée nécessite une capacité d’adaptation immédiate.
- La confiance dans sa technique de pilotage permet d’effacer les murs.
- La préparation mécanique permet d’assurer la fiabilité (ça chauffe dur sur ce tracé !)
- Une seule règlementation technique nous met à armes égales. Pas de faux semblants « il est devant car il a un plus gros moteur ».
L’équipe et moi même avons excellé sur ces points clés, d’où le contraste saisissant à l’arrivée.
Angoulême, je reviendrai !